Le Blog de Carloman

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MALEDICTION - Chapitre VII

 

La Confrérie de l'Orbe d'Onyx et ses sbires n'occupaient qu'une petite partie du temple-forteresse cyclopéen de Gadûnzor, et Aksaros n'eut aucun mal à trouver le cabinet de travail de Zoldar : il s'agissait de la plus vaste salle, fermée par une grande porte d'ébène à double battant et gonds de bronze. Le Xèrien poussa l'un des battants et se faufila dans la pièce sans être vu. Là un spectacle improbable s'offrit à ses yeux : la salle immense – les plafonds décorés de fresques décrépies devaient culminer à près de vingt mètres – était entièrement occupée par de grandes tables sur tréteaux, encombrées de grimoires et de manuscrits rédigés, parfois griffonnés, souvent annotés dans toutes les langues des hommes, et d'autres races antiques et mystérieuses ou toujours existantes, mais aussi de multiples instruments de verre tels les alambics de toute taille et de toute forme qui trônaient ici et là, entourés de fioles, de flacons et d'éprouvettes contenant, d'après leurs étiquettes, élixirs, potions et décoctions, de toutes les couleurs, de toutes les textures, de toutes les densités imaginables, ainsi que de jarres remplis d'ingrédients végétaux et animaux, de minéraux, de métaux, le tout baigné dans un nuage de vapeur aux senteurs indéfinissables. Dans ce capharnaüm, à mi-chemin du laboratoire d'alchimiste et de la bibliothèque d'érudit, Zoldar s'affairait au centre de la pièce, disposant des poudres soigneusement dosées dans différentes coupes, en suivant les indications d'un vénérable ouvrage dont les bords des pages s'effritaient inéluctablement.

 

Malgré ses précautions, Aksaros heurta sans le vouloir une des tables, et les fioles qui s'y trouvaient tintèrent les unes contre les autres, avertissant le mage de sa présence.

« Que se passe-t-il ? dit le sorcier avec humeur. J'avais pourtant été très clair, me semble-t-il : interdiction de me déranger.

- La mort n'attend pas, Zoldar ! » répondit le Xèrien d'une voix sépulcrale.

L'homme au crâne rasé sursauta et se retourna vivement. La surprise le laissa d'abord sans voix, et le mercenaire en profita pour réduire la distance encore importante qui les séparait, mais Zoldar reprit rapidement ses esprits. Alors Aksaros pointa son arbalète vers le sorcier et tira, mais ce dernier possédait des réflexes de félin et il sauta de côté, évitant le trait qui renversa plusieurs coupes, dispersant les poudres. Tandis que le Xèrien se débarrassait à la hâte de l'arbalète en poussant un juron, Zoldar tendit les bras et entama une incantation. Une boule de feu se matérialisa et fila vers Aksaros en zigzagant. Le mercenaire s'arrêta et, croisant les bras, poings serrés, psalmodia une formule qui lui permit de créer un bouclier invisible sur lequel la boule de feu vint exploser en mille crépitements. Le Xèrien était indemne, mais lorsque la fumée se dissipa, il constata avec inquiétude que le mage avait disparu. Balayant la salle du regard, il vit que Zoldar se trouvait près d'un levier installé dans le mur, qu'il actionna avec un sourire mauvais en criant : « Tes rudiments de magie ne te sauveront pas ! Ton aventure s'arrête ici ! »

 

La porte secrète qui coulissa alors laissa passer une créature bipède, de forte stature, couverte d'un pelage gris argenté, dotée d'une tête rappelant celle d'un loup, à la gueule baveuse et hérissée de crocs jaunâtres. Avec une surprenante agilité compte tenu de sa taille et de son poids, le monstre arriva très vite au contact du mercenaire qui put constater que son adversaire mesurait près de deux mètres cinquante ! Faisant des moulinets avec la hache d'armes, solidement campé sur ses jambes, Aksaros se proposait d'éliminer rapidement ce nouvel ennemi, car il savait que Zoldar ne manquerait pas de lancer un nouveau sortilège si le combat s'éternisait. Mais le sort de protection avait affaibli le Xèrien et ses gestes étaient moins précis. Il rata sa cible, et son adversaire, de son long bras terminé par une main griffue, le déséquilibra d'un coup puissant porté aux jambes. Dans sa chute, Aksaros renversa une table, brisant de nombreuses fioles et faisant exploser plusieurs flacons. Puis il hurla de douleur en sentant les crocs de la créature s'enfoncer profondément dans son mollet. Le Xèrien serra les dents. Heureusement pour lui, il n'avait pas lâché sa hache. Il frappa de toutes ses forces et blessa le monstre à l'épaule, qui lâcha prise dans un grognement. Leurs regards se croisèrent, et le mercenaire vit la même folie meurtrière dans les yeux de l'homme-loup que dans ceux de la sphinge. Une sombre magie devait contrôler ces créatures, pensa-t-il.

 

Le monstre laboura de ses griffes les jambes d'Aksaros, qui tomba à nouveau. Cette fois, l'homme-loup lui sauta à la gorge, mais le Xèrien le repoussa avec le manche de la hache avant que les terribles crocs ne se refermassent sur son cou. Dégainant sa dague, il passa à l'attaque et réussit à entailler la tête de la bête au niveau des yeux. Le monstre, aveuglé par le sang, déchirait l'air rageusement de ses mains griffues. Aksaros se doutait que la créature disposait d'une excellente ouïe et d'un odorat très performant. Mais ce dernier était déjà neutralisé par le foisonnement d'odeurs qui régnait dans la pièce. Le Xèrien saisit des fioles et flacons et les jeta dans des directions diverses, afin de multiplier les bruits. Remarquant qu'un liquide visqueux de couleur bleue semblait être une forme d'acide, il en prit une fiole, la déboucha et en aspergea son adversaire. La misérable créature, le pelage brûlé, folle de douleur et de colère, se mit à bondir à droite, à gauche, renversant les tables, achevant de semer le chaos dans le laboratoire où, au milieu des éclats de verre et des vapeurs multicolores, une odeur de soufre, irritante et désagréable, commençait à s'imposer, probablement suite à la réaction de certaines poudres et solutions. Le monstre finit par chuter lourdement après avoir heurté violemment un énorme alambic. Aksaros décida d'abréger le combat. Il s'élança et, d'un coup puissant et précis, il abattit la hache sur le crâne de la bête dont les os craquèrent, et le monstre s'effondra, inerte, le cerveau broyé.

 

Chapitre VIII



25/04/2021
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