Le Blog de Carloman

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EMBUSCADE - Chapitre III

 

« Par les ossements d'Amalgar le Primordial, père de tous les nains ! Il en arrive de tous les côtés ! » s'exclama Valdrim.

Les nains, habitués à la vie dans les cavernes, au plus profond des Monts du Kaldéhon, avaient développé une excellente vision dans l'obscurité. La nuit était d'ailleurs assez claire pour que le Xèrien et la guerrière de Vanji pussent voir eux aussi les mouvements qui agitaient le sous-bois et qui tous convergeaient vers la colline où se trouvait le village.

« La discussion est animée en bas, fit remarquer Aksaros en jetant un regard vers le groupe de mercenaires occupé à palabrer autour d'un grand feu.

- Il semblerait que l'Ishorite réussisse à imposer son autorité, observa le nain. - Alors nous sommes entre de bonnes mains... dit le Xèrien avec une pointe d'ironie.

- Tu n'as pas l'air de beaucoup apprécier notre ami à l'armure étincelante, dit le nain. Est-ce parce qu'il a plus de succès que toi auprès des belles guerrières de Vanji ? »

Aksaros se contenta de sourire à cette pique, mais la guerrière de Vanji regarda ses compagnons avec surprise. Elle ignorait manifestement l'aventure de sa comparse. Valdrim fronça les sourcils.

« L'attaque principale se portera sur le pont. Ils seront là dans moins de dix minutes. »

Personne ne s'attarda sur le fait que ce « ils » restait nimbé de mystère, autorisant toutes les spéculations, même les pires. Aksaros et Valdrim redescendirent de la tour et et se firent remplacer par l'autre guerrière de Vanji et un archer des Confins.

 

L'Ishorite avait pris le commandement. Il avait fière allure dans sa belle armure de plates, composée de pièces d'acier souples et résistantes. Ses deux mains tenaient solidement sa grande épée, une arme très prisée dans l'imperium, car les armures ishorites étaient d'une telle qualité que les guerriers n'utilisaient généralement pas de bouclier. Lorsque Valdrim lui eut fait part de ses observations, il répartit les mercenaires comme suit, la moitié de l'effectif à l'entrée du village, le reste déployé en tirailleurs afin de prévenir des offensives secondaires. L'Ishorite, Aksaros, Valdrim et trois autres mercenaires unirent leurs forces pour soulever le pont et le jeter à bas, ce qui obligerait les assaillants à sauter dans le fossé pour escalader la pente. L'instant d'après une masse grouillante de faunes déferla sur le village. Ces créatures, mi humaines, mi caprines, étaient plus petites qu'un homme de taille moyenne, d'une tête environ. Ces bergers évitaient les hommes en général et passaient pour beaucoup moins agressifs que les elfes des bois. Mais là, ils s'étaient mués en une horde vociférante. Leur agilité leur permit de franchir le fossé sans grande difficulté, parfois d'un seul bond ! Leur nombre était cependant leur seul atout : armés de masses, de bâtons ou de vieilles haches sans doute dérobées à des bûcherons négligents, en plus de leurs cornes, sans protection, ils ne faisaient pas le poids face à des hommes aguerris. Le choc fut violent, mais l'affrontement tourna au carnage. L'Ishorite, solidement campé sur ses jambes, abattait sa grande épée avec une macabre régularité, fauchant les ennemis comme des blés. Aksaros avait dégainé une épée moyenne à lame flamberge, c'est-à-dire ondulée, et sa moisson était tout aussi sanglante. Valdrim, bien protégé par son armure d'écailles, maniait sa bardiche avec une habileté redoutable, semant la mort de ses coups puissants et précis. En haut de la tour, les cordes des arcs chantaient une lugubre cantate, faisant tomber une pluie de flèches sur les assaillants. L'odeur du sang, entêtante, commençait à obscurcir l'esprit de certains mercenaires, qui se laissaient gagner par l'ivresse de la bataille. Dans une grande clameur, plusieurs se jetèrent dans le fossé où les cadavres s'amoncelaient. Le cliquetis des armes, le hurlement bestial des hommes comme des faunes résonnaient dans la campagne encore silencieuse quelques minutes auparavant. Le déchaînement de violence prit fin aussi subitement qu'il avait commencé. Les faunes survivants se dispersèrent dans la campagne, poursuivis par les cris de triomphe de leurs ennemis.

 

Les hommes essoufflés, encore frémissants de l'exaltation du combat, couverts de sueur et de sang, exultaient.

« Attendez ! cria Aksaros d'une voix forte. Ce n'est pas fini ! »

Les faunes revinrent en effet, alignés, portant des arcs et des flèches enflammées. Ils tirèrent à plusieurs reprises et bientôt le feu lécha la palissade en plusieurs endroits, noircissant les rondins. La tour de guet, qui se consumait également, dut être abandonnée à la hâte. L'Ishorite à l'armure étincelante organisa une rotation des effectifs, les blessés furent envoyés parmi les mercenaires répartis dans le reste du village, et des guerriers frais et dispos vinrent les remplacer. Le vent s'était levé et attisait l'incendie. Au milieu de ce brasier nocturne dont la fumée masquait la lune, les farouches silhouettes bardées de métal des mercenaires se dressaient, immobiles, indomptables, environnées de flammes tourbillonnantes, attendant le prochain assaut, serrant dans leurs mains les épées ou les haches dégoulinantes – et pourtant si peu rassasiées – de sang. Rien ne se passait pourtant. Leurs munitions épuisées, les faunes s'étaient retirés en silence. Soudain, le fracas des sabots fit trembler le sol et une colonne de minotaures en rangs serrés fit irruption devant les mercenaires et les chargea aussitôt. Il s'agissait d'adversaires d'un tout autre acabit : très grands, massifs (un spécimen moyen mesurait deux mètres et pesait cent cinquante kilos), musculeux, ils maniaient d'énormes haches à double tranchant. Leur charge obligea les mercenaires à reculer. Cette fois, un sauvage corps-à-corps se déroula à l'entrée du village. Les minotaures perdaient en vitesse et en agilité ce qu'ils avaient en puissance. Ils ne portaient aucune armure, mais leur peau était dure et résistante.

 

Aksaros plongea sa lame dans le minotaure qui lui faisait face et l'éventra. Il vit que les mercenaires commençaient à plier, malgré une résistance acharnée. L'Ishorite, assailli par trois minotaures, dont un particulièrement imposant, était en mauvaise posture. Le Xèrien cria à Valdrim de le suivre et ils secoururent l'homme à l'armure étincelante. Valdrim profita de sa petite taille et infligea de cruelles blessures aux pattes de son adversaire qui chuta. Un coup bien placé trancha net la tête du monstre. Aksaros eut moins de chance : le minotaure auquel il s'attaqua réussit à esquiver et la hache de la bête fendit le bouclier de bronze du Xèrien, le blessant au poignet. La force du coup fut telle que le mercenaire fut projeté en arrière. Sans se décourager, Aksaros s'élança, bondit pour éviter le moulinet de son adversaire et frappa d'estoc au niveau du cou. Le minotaure poussa un cri terrible et s'écroula. Au même moment, l'Ishorite transperçait de son épée le troisième minotaure. Son armure était enfoncée en plusieurs endroits et des flots de sang s'échappaient de ses blessures. Néanmoins, les mercenaires reprenaient l'avantage, d'autant que des guerriers postés ailleurs dans le village arrivaient en renfort. Du fait de leur grande taille et de leur relative lenteur, les minotaures offraient de bonnes cibles pour les archers et les arbalétriers. Les guerriers équipés de ce type d'armes plaçaient la tête de leurs flèches ou de leurs carreaux dans la cendre brûlante avant de tirer. La peau épaisse des monstres semblait fort sensible aux brûlures. Les mercenaires visaient les pattes des créatures, afin de les ralentir encore plus. Lorsqu'ils eurent de la sorte éclairci les rangs des minotaures, ceux-ci battirent en retraite, mais sans précipitation et en ordre.

 

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13/08/2020
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