Le Blog de Carloman

Le Blog de Carloman

EMBUSCADE - Chapitre I

2ème nouvelle en 5 chapitres du cycle ikharrien

 

« Par la barbe de Throg ! s'exclama Valdrim en se laissant choir sur l'herbe tout en se débarrassant de son paquetage. Pas fâché de cette halte.

- Alors, le nain, fatigué ? railla un guerrier de haute taille à l'armure étincelante.

- Dix jours qu'on avance à marche forcée ! maugréa Valdrim. Nous autres, nains, n'avons pas de problème avec les longues marches, simplement nous n'allons pas aussi vite que vous, longues-jambes ! »

Le nain balaya du regard la colonne au repos. La troupe servait sous la bannière rouge frappé du léopard blanc du baron Tarcho, premier sénéchal de la principauté de Banor, un des hommes de confiance du prince. Elle se composait de trente soldats réguliers de la garde du baron et de quarante mercenaires de toute provenance, surtout des hommes de Banor et des Confins, quelques guerrières adoratrices de Vanji, et d'autres hommes dont il était moins aisé de deviner l'origine. Parmi ces derniers, Valdrim en remarqua un qui restait un peu à l'écart des autres, un guerrier assez grand, aux cheveux châtains foncés, qui portait une cuirasse faite de plaques de bronze liées par des lanières de cuir, tandis que ses bras et ses épaules étaient protégés par des pièces forgées dans un étrange alliage rouge-ocre qui intrigua le nain, fin connaisseur du travail des métaux. Son casque était fait de la même matière. Alors que la plupart des hommes étaient munis de grands boucliers ronds ou ovales, en bois ou en fer, lui était équipé d'un petit bouclier rectangulaire en bronze, aux bords échancrés, sans autre décoration qu'une tête de cheval noire stylisée.

 

« Qui est celui-là ? se demanda Valdrim à voix haute. Son équipement paraît bien différent de celui des autres soldats.

- Ah, lui ? répondit un autre mercenaire, c'est un homme de Xèria. Cela se voit aux deux petites tresses qu'il porte sur le côté de la tête, et au mince filet de cheveux qui lui descend jusqu'au milieu du dos. Les Xèriens ne sont pas des hommes comme nous, les légendes racontent qu'ils ne sont qu'aux trois quarts humains... Son casque et une partie de son armure sont fabriqués dans une matière qu'on appelle l'acier écarlate de Xèria, un alliage dont les forgerons xèriens gardent jalousement le secret.

- Vraiment ? Hormis la coiffure et l'armure, il ne semble pas physiquement très éloigné de vous autres, sa peau est claire et la couleur de ses cheveux n'a rien de très original...

- Il ne faut pas s'y fier, reprit le mercenaire. Certes, les Xèriens ressemblent aux habitants des cités de l'ouest ou des Confins, mais ils sont aussi différents de nous que peuvent l'être les Ishorites ou les hommes basanés du sud. A commencer par la langue. Alors que dans les cités de l'ouest, on parle des dialectes très proches les uns des autres, l'idiome des Xèriens nous est incompréhensible. »

Les nains des Monts du Kaldéhon étaient curieux par nature, et Valdrim montrait une grande curiosité, même pour un nain. Ce qu'il venait d'entendre avait éveillé son intérêt. Il se leva et se dirigea vers le Xèrien.

« Me permets-tu de t'asseoir à côté de toi, camarade ? » demanda-t-il. L'homme le dévisagea de son regard bleu-gris, et donna son assentiment d'un geste. Valdrim posa son paquetage et sa bardiche, hache de guerre rendue plus efficace par les deux points de fixation du fer convexe sur la hampe, un à l'extrémité basse de la lame et un autre au milieu, comme pour les autres haches.

 

« Il paraît que tu es étranger, l'ami. Tu viendrais de Xèria, disent les autres. »

L'homme se contenta d'acquiescer d'un hochement de tête.

« Eh bien, je me présente, Valdrim Enclume-Céleste, pour te servir, dit-il, selon une formule de courtoisie très typique chez les nains. Qu'en est-il de Xèria ? Je ne me souviens pas avoir entendu parler de cette contrée, et pourtant je voyage depuis quelques temps déjà dans les régions occidentales d'Ikharra.

- Xèria est un pays isolé qui se trouve sur le littoral de l'Océan occidental, au sud-ouest de Banor, répondit simplement l'homme.

- Mais qu'a-t-il de spécial ? Les autres en parlent comme si cette terre était le foyer d'une civilisation mystérieuse... »

Cette fois, l'homme éclata de rire.

« Ah, le mythe des origines non humaines des Xèriens ! Remarque, c'est en partie notre faute, nous avons nous-mêmes contribué à répandre ces fadaises. Ma patrie n'a rien de mystérieux, sa particularité tient à sa haute antiquité par rapport aux quatre cités de l'ouest. La civilisation xèrienne existe depuis plus de dix mille ans, alors que les peuples qui ont fondé Banor, Toréia, Hyrdanos et Othra sont arrivés cinq mille ans plus tard, poussés vers l'ouest par l'expansion de l'imperium d'Ishor. Les nouveaux venus ont détruit ou absorbé les anciens peuples de la région, sauf un : le peuple de Xèria, qui a longtemps maintenu son indépendance.

- Ce n'est plus le cas ?

- Xèria décline à l'ombre de sa grandeur passée, répondit l'homme avec amertume. Le silence et l'oubli hantent nombre de palais en ruines. Quant à ceux qui sont encore debout, certains sont occupés par des seigneurs banorites et leurs serviteurs. De plus en plus de despotes – c'est ainsi que nous appelons les maîtres des palais qui gouvernent le pays – font allégeance au prince de Banor, qui pourrait bien être le prochain exarque, le dirigeant suprême de Xèria désigné par les despotes. Nos anciennes croyances disparaissent peu à peu, remplacées par les religions venues de l'est, le culte d'Ebrek notamment.Voilà, maître nain, je m'arrête là, car parler du pays me met d'humeur maussade. J'espère avoir satisfait ta curiosité.

- Ton nom, Xèrien ?

- Je m'appelle Aksaros.

- Eh bien, Aksaros, ne désespère pas. Mon peuple a traversé des périodes difficiles, et nous sommes toujours là. »

Une poignée de mains virile scella l'amitié naissante du nain et du Xèrien.

 

Cliquer pour accéder au chapitre II



11/08/2020
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser