Le Blog de Carloman

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EMBUSCADE - Chapitre II

 

« Le village est en vue ! » cria le capitaine.

Les soldats ne cachèrent pas leur satisfaction. Même les plus endurants étaient harassés par ces douze jours de marche, depuis leur départ d'une des forteresses du baron Tarcho. Ce village, qui avait demandé de l'aide pour lutter contre des créatures malveillantes – probablement des faunes ou des elfes des bois – se situait au sommet d'une petite colline. Dans cette région frontalière boisée, pas si éloignée de la vaste et sombre forêt de Purfinn, le moindre hameau se protégeait d'une solide palissade de bois précédée d'un large fossé. Près de la porte, une haute tour de guet, en bois également, permettait de surveiller les alentours. Les hommes plaisantaient déjà en songeant à la viande rôtie, à la charcuterie et aux chopes de bière que les villageois ne manqueraient pas de leur servir. Dès qu'ils eurent franchi le petit pont de bois qui enjambait le fossé, le silence tomba sur les rangs comme une chape de plomb. La puanteur de la mort avait envahi les lieux. Les seuls villageois visibles gisaient dans une mare de sang, les mouches tourbillonnaient autour des cadavres et quelques corbeaux profitaient du festin. Les maisons avaient été pillées et saccagées, les portes étaient défoncées. Les corps de certaines femmes étaient dénudés, leurs robes déchirées au niveau des cuisses, ce qui ne laissait guère de doute sur ce que leur avaient fait subir les assaillants.

 

« Les elfes des bois ne pillent pas les villages, et surtout ils ne s'en prennent pas aux femmes, murmura un soldat.

- Ce sont des faunes qui ont fait le coup, c'est certain ! affirma péremptoirement un autre.

- Tu plaisantes ? Les faunes vivent en petits groupes. Ce village était relativement important, vu le nombre de maisons, il devait y avoir ici au moins quarante ou cinquante hommes en âge de se défendre, assez pour repousser des faunes » dit encore un autre.

Le capitaine houspilla ses hommes.

« Au boulot, vous n'êtes pas là pour bavarder ! Je veux deux hommes en haut de la tour de guet, immédiatement, une dizaine de personnes pour inspecter la palissade et procéder à des réparations si nécessaire. Allez, on s'active, par Ebrek ! Les autres, vous creusez et vous m'enterrez ces pauvres gens, rapidement, que l'air devienne respirable. »

L'après-midi touchait à sa fin, mais le capitaine fut obéit malgré l'épuisement et l'inquiétude. A la nuit tombée, la palissade était en état, les villageois enterrés, et deux gardes postés en haut de la tour observaient la campagne. On alluma de grands feux en plusieurs endroits, car on savait que les faunes n'aimaient guère les flammes. A chacun de ses feux fut affecté un petit groupe de soldats.

 

Valdrim et Aksaros se retrouvèrent assis aux côtés de deux guerrières de Vanji et du mercenaire à l'armure étincelante. Fidèles à leur réputation, les guerrières ne soufflèrent mot – on leur enseignait dans leurs temples à se montrer le moins loquace possible – mais le guerrier à l'armure étincelante, un noble en rupture de ban originaire de l'imperium d'Ishor selon ses dires (et il est vrai qu'il était très grand et blond, un physique assez habituel chez les Ishorites), se montra bien moins taciturne et narra par le menu ses aventures, chacune étant l'occasion de quelque rodomontade. Peut-être cherchait-il ainsi à exorciser la peur qui commençait à poindre. Valdrim, toujours curieux, conversa volontiers avec l'Ishorite et fit observer qu'il était étrange de combattre pour les Banorites, ennemis de l'imperium d'Ishor. Le mercenaire répondit qu'il avait été banni mais se garda de révéler la cause de sa disgrâce. Aksaros se contentait de mâcher sa viande séchée et ses galettes d'orge en écoutant distraitement l'Ishorite. Pour lui, les hommes de l'est étaient des vantards orgueilleux, malgré leurs réelles qualités martiales. Vers minuit, tandis que la lune baignait le village de sa douce clarté argentée, le capitaine vint dire que les tours de garde avaient été distribués, et qu'il fallait dormir. Un guerrier devait rester près du feu, les autres pouvaient se disperser pour chercher quelque confort dans les ruines des maisons environnantes. Le Xèrien choisit de demeurer près des flammes. Chacun s'installa de son mieux, se pelotonna dans sa couverture, et chercha le sommeil. Tous savaient que la fatigue était le pire ennemi du guerrier.

 

Aksaros dormit profondément mais peu de temps, et il s'éveilla au beau milieu de la nuit, saisi d'une étrange angoisse. Pourtant, tout était silencieux. Il perçut cependant au bout d'un moment de petits gémissements. Ayant identifié l'endroit d'où cela provenait, il s'approcha à pas feutrés d'une maison et quelle ne fut sa surprise de découvrir l'Ishorite et une guerrière de Vanji enlacés, s'adonnant avec vigueur au plaisir de la chair. Leurs corps enchevêtrés, abandonnés à la volupté, se tordaient et se détendaient au rythme de la bruyante respiration de l'Ishorite et des soupirs de sa partenaire. Le Xèrien ne put réprimer un sourire de dédain : les Ishorites ne savaient rien faire sans bruit, même pas l'amour ! Soudain, l'image d'une femme aux longs cheveux roux, au corps sensuel et athlétique, lui traversa l'esprit, remuant de douloureux souvenirs, et cette vision le contraria. Il quitta les lieux, laissant les deux amants à leurs ébats, pour faire un tour rapide dans le village. Tout paraissait calme... Beaucoup trop calme ! Le Xèrien s'étonnait de ne voir aucune sentinelle en faction, et le comble de la stupéfaction fut atteint lorsque, arrivé près de la tour de guet, il ne put que constater qu'elle était vide ! Passé la surprise, il comprit la situation : les soldats réguliers avaient tout simplement déserté, laissant les mercenaires seuls dans le village. Aksaros courut réveiller les hommes les plus proches, leur ordonna de faire de même avec leurs camarades et de rassembler tout le monde en armes. Pendant que les mercenaires, hagards et les yeux embués de sommeil, se rendaient compte de la situation, Aksaros, accompagné de Valdrim et d'une guerrière de Vanji – pas celle qui partageait la couche de l'Ishorite, l'autre – se dépêcha de monter l'échelle de la tour de guet afin de prévenir toute attaque surprise.

 

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12/08/2020
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