Le Blog de Carloman

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MALEDICTION - Chapitre V

 

Durant de longues heures, Aksaros demeura prostré, non pas à chercher un moyen de s'enfuir, mais à se demander si cela valait la peine de s'évader. Pour la première fois, l'abattement et le désespoir étreignaient son cœur pourtant indomptable. Diranis ! La seule femme qu'il eût jamais désirée, le seul être qui eût pu l'attendrir, se trouvait du côté de ceux qui voulaient le tuer, et se proposait seulement de lui épargner les sévices que le sadisme de Salantès ne manquerait pas de lui infliger. Quelle amère déconvenue. Pourtant, la colère, la haine, la soif de vengeance l'emportèrent finalement sur le découragement. Puisque Diranis ne lui accordait aucune parcelle d'affection, il allait semer la mort et la destruction dans les ruines de Gadûnzor, il allait rendre au silence et aux ombres spectrales ces lieux que la Confrérie de l'Orbe d'Onyx avait odieusement usurpés.

 

Le Xèrien se leva et examina longuement la porte de sa geôle. Les gonds, le bois, les renforts d'acier, la serrure, tout était en parfait état, et il était illusoire d'espérer l'enfoncer. Aksaros comprit que sa seule chance serait de mettre à profit ce qu'il avait appris chez les elfes de Thosq. Malgré les bonnes dispositions pour l'apprentissage des arcanes qu'avait relevées Djin'koura, le mercenaire s'était montré un disciple quelque peu dissipé. La magie réclamait un temps de réflexion et au moins une main libre, et le Xèrien avait coutume de dire à la sorcière elfe que lors d'un combat, la vitesse faisait la différence et les mains tenaient généralement l'arme et le bouclier, seuls vrais garants de la survie... Mais Aksaros avait naturellement été délesté de son épée comme de ses dagues, et il ne conservait que son armure. Il rechercha dans sa mémoire les sortilèges qui pussent être utiles dans cette situation. Il en trouva deux qui étaient susceptibles de l'aider en cette circonstance : un qui permettait de téléporter un objet de taille modeste, à la condition que ce dernier se trouvât dans un périmètre proche, et un autre qui enflammerait la porte. Mais le second posait des problèmes comme le fait que le gardien en faction devant sa geôle ne manquerait pas de donner l'alerte, or Aksaros n'avait pas d'arme et ses connaissances rudimentaires en magie ne lui suffiraient point pour venir à bout de combattants aguerris. Le Xèrien opta donc pour la première solution, à savoir téléporter la clé du cachot, mais pour cela, encore fallait-il localiser l'objet. Diranis gardait les clés avec elle, et Aksaros décida d'utiliser un sort de visualisation, qui permettait, pendant un bref instant, de voir et de localiser une personne ou un animal connu, à son insu, toujours sous réserve que la créature fût assez proche, du moins pour un novice (seuls les sorciers les plus puissants et les mages les plus expérimentés avaient le pouvoir de visualiser des êtres lointains, dans le temps comme dans l'espace, mais il existait toujours le risque de déchirer le voile ténu de la réalité et d'être aspiré vers une autre dimension de l'espace-temps, prisonnier à jamais).

 

Le Xèrien ferma les yeux, se concentra et récita à voix basse l'incantation. Une image, d'abord floue, apparut dans son esprit, puis elle se précisa petit à petit. Une chambre au confort spartiate, des vêtements éparpillés sur le sol, deux corps enlacés sous les draps, agités de soubresauts à intervalle régulier. Et la clé posée sur une petite table, près d'un présentoir couvert d'armes diverses et variées, où un sabre à lame courbe côtoyait un marteau de guerre. Aksaros sourit car les imbéciles ne s'apercevraient de rien. Ayant rouvert les yeux, le mercenaire tendit les mains, paumes vers le haut, doigts écartés, et psalmodia la seconde formule. Dans un éclair bleuâtre, la clé se matérialisa dans les mains du Xèrien qui, en sueur et le cœur battant, dut attendre plusieurs minutes pour récupérer, car l'usage de la magie épuisait aussi bien le corps que l'esprit, et cet effet ne pouvait s'atténuer que par une pratique assidue des arcanes, sans jamais disparaître complètement cependant. Aksaros avait réussi ! Il ne lui restait plus qu'à introduire la clé dans la serrure, mais qu'en était-il du gardien ? Le Xèrien réutilisa le sort de visualisation et vit que le guerrier, un homme blond, de grande taille, sans doute un Ishorite, tournait le dos à la porte. Aksaros fit tourner la clé le plus doucement possible, puis il ouvrit la porte d'une puissante volée qui projeta le gardien à terre. Avant que celui-ci, encore étourdi, eût compris ce qui lui arrivait, le Xèrien se jeta sur lui, passa le bras autour de son cou, et l'étrangla de sa poigne vigoureuse. Pris au dépourvu, incapable d'appeler à l'aide, suffoquant, le guerrier ne put que sentir la vie qui le quittait. Aksaros cacha le cadavre dans le cachot qu'il ferma à double tour, après s'être emparé de la grande hache d'armes du malheureux gardien.

 

Chapitre VI



23/04/2021
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