Le Blog de Carloman

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MALEDICTION - Chapitre I

5ème nouvelle en 9 chapitres du cycle ikharrien

 

« Sommes-nous encore loin, Aksaros ? grommela Valdrim. Tu dois connaître la région, après tout, cette chaîne de montagnes borde le pays de Xèria, ta patrie. »

Le nain et le Xèrien progressaient lentement, s'enfonçant à chaque pas dans l'épaisse couche de neige. Un pâle soleil d'hiver dardait ses timides rayons sur la forêt de sapins dont la masse sombre et dense, presque menaçante, occupait toute la vallée jusqu'aux pentes basses des contreforts. Aksaros s'arrêta et désigna un point dans le lointain.

« Regarde, Valdrim, le but de notre voyage est sous tes yeux. Contemple les ruines de Gadûnzor, vestiges d'une civilisation disparue.

- C'est toi l'homme de l'ouest, alors que sais-tu de cet endroit ? demanda le nain en fixant l'amas chaotique de pierres duquel émergeait ici ou là une tour ou un reste de rempart.

- Je vais devoir te décevoir, l'ami, avoua Aksaros. Gadûnzor est en ruine depuis près de quatre mille ans, et son souvenir s'est perdu. Ce que je puis te dire est que Gadûnzor était un temple-forteresse qui dominait toute cette région, gouverné par un grand prêtre, lequel comptait parmi les alliés traditionnels des exarques de Xèria. Arrivées dans cette contrée, les tribus qui allaient plus tard fonder Toréia sur le Golfe de Thosq et Othra dans l'archipel entendirent parler des fabuleuses richesses entreposées dans le temple, et elles assaillirent la forteresse. Le peuple de Gadûnzor se défendit valeureusement. La guerre dura des années et mit la région à feu et à sang. Xèria, en vertu de son alliance, envoya des renforts à Gadûnzor, mais le poison de la discorde empêcha les Xèriens de combattre efficacement et ils furent vaincus. A la fin, Gadûnzor fut prise, pillée et détruite de fond en comble. Voilà tout ce que je sais. Pour le reste, les gens de Gadûnzor et de sa région demeuraient mystérieux et un peu inquiétants, même aux yeux de leurs alliés xèriens.

- Et les habitants de la contrée ? Que sont-ils devenus ?

- Morts ou partis. Mais il n'est pas impossible que quelques uns hantent encore ces vallées situées à l'écart des routes commerciales.

- En tout cas, l'endroit n'est guère hospitalier, observa le nain. J'ai connu des nécropoles moins sinistres ! Et ce froid !

- Ces montagnes sont nettement moins élevées que les Monts du Kaldéhon dont tu es natif, s'amusa Aksaros. Je m'étonne que le froid te gêne.

- Mais nous vivons dans la montagne, et non sur la montagne, mon ami. Nos demeures sont bien chauffées et, au cœur de la montagne, nous sommes protégés du froid. Xèria est-elle aussi glaciale ?

- Non, Xèria est un pays venteux au climat tempéré. Mais l'hiver, des blizzards soufflent parfois du nord, nous sommes quand même à haute latitude. Mais vois, le soleil décline, il nous faut trouver un coin pour bivouaquer. »

 

Les deux amis posèrent leurs paquetages dans un endroit abrité, derrière un gros rocher. De sa bardiche, Valdrim coupa un robuste sapin, et bientôt les deux mercenaires devisèrent autour d'un bon feu, en mangeant leurs provisions : viande séchée de bœuf et de porc, pain de seigle et fromage, le tout arrosé d'un vin de médiocre qualité (d'où l'expression commune « vinasse à soudard » pour désigner les piquettes à l'ouest d'Ikharra).

« Heureusement que ce riche Toréian nous a donné une belle bourse remplie de pièces d'or, sans quoi je ne me serais jamais aventuré dans cette région. As-tu une idée sur ce qui peut expliquer la disparition de plusieurs équipes de bûcherons envoyées dans les parages ?

- Nous sommes là pour le découvrir, répondit le Xèrien. Mais l'explication la plus plausible est qu'un groupe de brigands a fait des ruines de Gadûnzor son repaire.

- Des brigands ? Mais qui espèrent-ils rançonner dans ce lieu perdu ?

- Je l'ignore, mon cher Valdrim. Peut-être ont-ils trouvé des trésors dans les ruines. Nous serons à Gadûnzor demain en début d'après-midi. Nous verrons bien ce qui nous y attend. »

 

La nuit avait cerné de son obscurité irréelle les cimes des montagnes comme celles de arbres. La pleine lune seule jetait une lueur blafarde sur la vallée. Valdrim prit le premier tour de garde, comme à son habitude, et le Xèrien se pelotonna dans son manteau de fourrure. Une petite bise agitait les branches des conifères. Dans le lointain, plusieurs loups poussèrent leurs hurlements lugubres. Un hibou des montagnes hulula sur un arbre proche avant de s'envoler en quête d'une proie. Le dernier bruit qu'Aksaros entendit avant de s'endormir fut les grognements de deux chats sauvages en train de se battre. Puis le crépitement rassurant du feu le précipita dans un sommeil profond.

 

Chapitre II



20/04/2021
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