Le Blog de Carloman

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LES LIONS NOIRS DE ZHÂR - Chapitre I

4ème nouvelle en 4 chapitres du cycle ikharrien

 

Bannières et oriflammes claquaient au vent tandis que les régiments du royaume de Zhâr se déployaient méthodiquement sur la plaine, escadrons de cavaliers aux tuniques et turbans colorés, bataillons d'archers aux carquois de bois laqué et aux casques surmontés de grandes aigrettes, phalange de fantassins aux longues lances, aux cottes de mailles étincelantes et aux grands boucliers rectangulaires. Face à cette armée nombreuse et disciplinée, les seigneurs elfes de Thosq avaient mobilisé toutes leurs forces, recruté des mercenaires humains et nains, convaincu certains de leurs cousins forestiers de se joindre à eux, et invoqué des guerriers squelettes en masse pour pallier la faiblesse numérique de leurs troupes. Mais le noyau dur de leurs cohortes était constitué par les fantassins cuirassés de Thosq, protégés par leurs armures de plates anthracite, équipés de petites arbalètes et maniant d'imposantes épées à deux mains, des hallebardes à lame dentelée ou encore de grands fléaux d'armes. Les seigneurs-sorciers Bayan, aux yeux perçants, au physique sec et fin, et Djin'koura, au corps athlétique et au regard tronqué, avaient pris place à l'aile gauche, sur leurs sièges curules installés sur une petite éminence, afin de dominer le champ de bataille, lui vêtu d'une ample et somptueuse tunique vert foncé, elle portant son harnois, les mains posées sur le pommeau d’une longue épée dont le tranchant de la lame était dentelé de pointes acérées, son casque à ses pieds, sa chevelure sombre soulevée par le vent. Les membres de leurs gardes personnelles respectives se tenaient juste derrière eux, silencieux et impassibles, l’arme au pied.

 

En contrebas de la butte stationnait une petite troupe de réserve composée de squaméens, créatures reptiliennes bicéphales à la peau écailleuse très résistante, armées de sagaies à pointe de silex, de golems de métal animés par la magie et équipés de sabres lourds à lame large et recourbée, d'un nain trapus, protégé par une armure d'écailles en acier, un casque de fer et brandissant une bardiche, imposante hache de guerre dont la base du tranchant était fixée à la hampe pour rendre l'arme plus solide, de quelques elfes des bois reconnaissables à leurs grands arcs et à leurs armures vertes composées d'un ingénieux entrelacs de lianes et de plaques d'écorce ou de bois, et enfin d'un humain portant une cuirasse faite de plaques de bronze liées entre elles par des lanières de cuir, les bras et les épaules recouverts de pièces forgées dans un étrange alliage rouge-ocre, coiffé d'un casque de la même matière, tenant une arbalète dans les mains, une épée à lame flamberge pendant à son côté gauche, un carquois de carreaux et un petit bouclier rectangulaire de bronze aux bords échancrés décoré d'une tête de cheval noire stylisée à son côté droit, tandis qu'à sa ceinture de cuir noir à boucle de bronze deux dagues effilées sommeillaient dans leurs fourreaux. Au dessus des seigneurs de Thosq tournoyait un groupe de sphinges. Près de leurs sièges, se dressaient deux grandes bannières, la première, celle de Djin’koura, figurant une épée d'argent déchirant d’éclairs pourpres un ciel noir, l’autre, celle de Bayan, trois boules de feu jaune-orangé sur fond vert foncé.

 

Les seigneurs-sorciers conversaient dans leur antique dialecte:

« La bataille est imminente, peut-être devrais-tu cesser de concentrer ton attention sur Eldan'raïs, fit remarquer Djin'koura, amusée.

- Que dis-tu là ? s'exclama Bayan, comme tiré brusquement d'une rêverie.

- Allons, nous savons tous deux quels sont tes sentiments pour elle. Tu la couves du regard depuis des décennies. Tu devrais envisager de lui parler...

- A quoi bon ? Elle n'a d'yeux que pour Falar. L’imposant, le sage, le beau Falar. Puissant sorcier, grand guerrier, moi, à côté, je ne suis rien.

- Je suis sure que tu te trompes, répliqua Djin'koura. Eldan'raïs apprécie Falar, cela est certain, et tu ne peux nier qu'il est dévoué à notre cause. C'est aussi lui qui a négocié, au nom du Haut Conseil des Ourgash, le ralliement de certains Aek Skan à notre armée » ajouta-t-elle en utilisant le nom que portaient dans leur langue ceux que les humains nommaient « elfes des bois ».

 

Bayan haussa les sourcils.

« C'est bien ce que je disais, dit-il avec amertume. Falar est parfait, je ne puis rivaliser.

- Arrête de te plaindre. Fais donc ta cour à Eldan'raïs et tu seras fixé. Mais la dévorer du regard ne résoudra pas tes tourments.

- Sans doute... Mais toi-même, Djin'koura, tu n'as d’œil que pour cet humain, ce spadassin stipendié. Comment se nomme-t-il déjà ? Alkaros... non, Aksaros... c'est ça, Aksaros de Xèria.

- C'est différent, répondit Djin'koura, légèrement contrariée. Je lui témoigne une juste reconnaissance, car je te rappelle qu'il m'a tirée des geôles de la citadelle de Saër à Hyrdanos...

- … et depuis, il occupe tes pensées, n'est-ce pas ? Ne dis pas le contraire, je te connais trop. Tu as changé, Djin'koura, et pas seulement à cause des souffrances que tu as endurées à Hyrdanos. Tu sembles plus apaisée depuis que cet humain est à ton service. D'aucuns murmure que tu lui enseignerais la magie.

- Il faudra que je châtie mes serviteurs indiscrets, dit Djin'koura avec un sourire. La personnalité d'Aksaros m'intrigue, je l'avoue, car je sens qu'il est beaucoup plus que ce qu'il paraît, et en même temps une sombre fatalité plane sur sa destinée. Malgré tout, tu te méprends : il reste pour moi un simple humain, rien de plus. Il ne... »

Elle ne put finir sa phrase, car l'écho des trompettes de guerre résonna dans la plaine, couvrant sa voix, et les régiments de Zhâr s'ébranlèrent. L'heure du combat avait sonné.

 

Chapitre II



22/12/2020
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