Le Blog de Carloman

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LES LIONS NOIRS DE ZHÂR - Chapitre IV

Djin’koura et son adversaire se jaugèrent un instant, puis la sorcière s’élança. Mais un des lions noirs en fit autant et déchira l’air de ses griffes rétractiles, que Djin’koura esquiva de justesse. Le prêtre-mage tira d’un coup sec une lanière et les six lions noirs furent libérés de leur joug. Lui-même descendit du char, tandis que les animaux avançaient, menaçants, en feulant. Ce qui restait de la garde personnelle de Djin’koura l’avait péniblement rejointe, ainsi que Valdrim, Aksaros et deux squaméens, tous essoufflés et visiblement éreintés. Les lions décrivirent un lent mouvement d’encerclement, tandis que leurs ennemis adoptaient en toute hâte une formation défensive et, au signal du prêtre zhâri, les fauves bondirent en rugissant. Un effroyable corps-à-corps s’ensuivit. Malgré leur taille impressionnante et leur poids imposant, les lions noirs montraient une agilité surprenante doublée d’une rapidité peu commune. Les armures de plates des elfes étaient un handicap certain, d’autant que les bêtes avaient la force de tordre les pièces de métal. Djin’koura luttait avec l’énergie du désespoir contre un fauve qui avait déjà tué deux de ses gardes et lui avait infligé plusieurs blessures sérieuses. La sorcière elfe commençait elle aussi à sentir la fatigue. Elle perdait beaucoup de sang, et la vitesse de ses coups s’en trouvait réduite. Difficile dans ces conditions de toucher le lion noir.

 

Aksaros et un squaméen étaient aux prises avec un autre fauve. La sagaie de la créature reptilienne s’était rompu au contact du cuir épais de la bête. Mais le squaméen comptait encore sur ses crocs et ses griffes, et il parvint à entailler les chairs du lion qui poussa un grondement de douleur. Avant qu’il eût pu repasser à l’attaque, le Xèrien plongea sa lame flamberge dans le flanc de l’animal qui s’effondra dans un râle. Il vit que Djin’koura était en mauvaise posture et voulut se porter à son secours, mais un fauve l’envoya mordre la poussière avant de déchirer le corps du squaméen aussi aisément qu’une brindille. Aksaros se redressa, tituba et dut mettre un genou à terre. Son rythme cardiaque s’était emballé, de grosses gouttes de sueur lui couvraient le visage et sa vision se brouilla. Il aperçut Valdrim qui avait réussi à rejoindre Djin’koura et à occuper le fauve pendant que la sorcière elfe se concentrait. Le nain se trouvait en difficulté lorsque, dans un crépitement, un éclair jaillit du doigt de Djin’koura et réduisit instantanément le fauve en cendres. Mais la sorcière avait puisé dans ses dernières forces et elle tomba à genoux. Le prêtre-mage, qui avait jusqu’alors observé le combat en restant prudemment à l’écart, entra en scène, croyant l’ennemie à sa merci. Aksaros avait retrouvé ses esprits, du moins en partie. Il se releva, et il eut l’impression que son armure et ses armes pesaient une tonne. Chaque pas réclamait un effort colossal. Il serra les dents et se dirigea vers Djin’koura. Valdrim défiait bravement le prêtre zhâri, mais ce dernier brisa d’un coup de son épée enchantée la bardiche du nain qui, stupéfait, tomba à la renverse sous le choc et ne parvint pas à se relever. Le prêtre-mage, sans plus accorder d’attention à Valdrim, s’approcha de Djin’koura. Le Xèrien était parvenu à prendre son élan. Le Zhâri leva son arme et les flammes vertes dansèrent autour de la lame. Djin’koura semblait incapable de réagir. Au moment où l’épée flamboyante allait s’abattre sur elle, elle entendit le cri de guerre d’Aksaros qui, dans un ultime effort, s’arracha du sol. La sorcière elfe vit la lame flamberge heurter violemment le tranchant de l’épée zhârie, une lumière vive l’aveugla et elle perdit connaissance.

 

Lorsque Djin’koura ouvrit l’œil, elle constata que la nuit était tombée. Un visage familier était penché sur elle, celui de Bayan. Elle se redressa brusquement, étonnée. Elle se trouvait au milieu d’un bivouac dans les collines du lynx, à la lisière méridionale du pays de Thosq. Autour d’elle et de son ami, des guerriers de différentes races pansaient leurs plaies, non sans grognements et gémissements. Bayan l’aida à se relever.

« La… la bataille, Bayan… que s’est-il passé ?

- Un désastre, répondit le seigneur-sorcier en secouant la tête d’un air sinistre. Les prêtres-mages ont réussi à arrêter la déroute de leurs troupes, avant d’inverser le cours du combat. Nous avons été contraints de laisser le terrain aux Zhâris, bien que nous leur ayons tué un grand nombre de soldats. Ils se sont d’ailleurs bien gardés de nous poursuivre.

- Nos pertes ?

- Lourdes, très lourdes, trop lourdes, répondit gravement Bayan. Je ne parle pas des faunes qui ont fui comme des couards. Mais ta garde personnelle a été décimée, comme celle de plusieurs seigneurs de Thosq. Beaucoup d’Ourgash ont péri, et les deux tiers de nos mercenaires avec eux. La plupart des sphinges ont été abattues… C’est un sérieux revers, il faut le reconnaître.

- Que m’est-il arrivé ? demanda Djin’koura en portant les mains à sa tête. Je me souviens, le prêtre-mage était sur le point de me tuer et… Aksaros ! Où est Aksaros ?

- Rassure-toi, dit Bayan, le Xèrien est vivant. Pas indemne, mais vivant. Sa lame s’est brisée mais il a réussi à dévier le coup mortel qui t’était destiné. Le choc dû à l’impact l’a projeté à dix mètres et lui a cassé une jambe, il s’en remettra cependant. Le fait est qu’il a risqué sa vie pour toi, bien au-delà de ce que stipulait son contrat, il mérite notre reconnaissance.

- Mais… Comment avons-nous été sauvés ?

- J’ai réussi à me frayer un chemin jusqu’à vous avec ma garde et une compagnie d’Aek Skan. A mon ordre, ces derniers ont abattu le Zhâri qui s’apprêtait à nouveau à frapper. Nous avons récupéré tous ceux qui étaient encore en vie avant de battre en retraite. Il était temps car nos ennemis avaient entamé une manœuvre pour nous envelopper. L’affaire fut chaude, mais en cette occasion la magie nous a permis d’échapper à l’anéantissement total. A présent le Haut Conseil... »

Bayan se tut soudain. Le bivouac se figea. Le vent apportait un son étrange, un murmure d’abord tout juste perceptible qui s’amplifia jusqu’à devenir une mélopée clairement audible. C’était un chant étrange, guttural, d’une mélancolique beauté, porté par des milliers de voix. Le chant d’un peuple qui pleurait ses morts et affirmait sa foi inébranlable dans un dieu cosmique qui lui avait confié, pensait-il, les destinées d’Ikharra.

 

                                                                                  FIN

 

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24/12/2020
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