Le Blog de Carloman

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LA CITADELLE DES BRUMES - Chapitre VI

 

Aksaros ouvrit lentement les yeux. Son bras l’élançait douloureusement. Il était encore étourdi. Il essaya de bouger, mais n’y parvint qu’au bout d’un long moment, en dépit du fait qu’on lui avait retiré son armure. Il réussit à s’asseoir et vit une solide grille d’acier à une extrémité de la pièce aux murs de pierre où il se trouvait. Il devenait lassant de finir dans le cachot de chaque forteresse qu’il rencontrait sur son chemin ! Le Xèrien pesta contre lui-même, contre cette idée stupide qu’il avait eue de se joindre à cette expédition, et l’idée encore plus idiote de se proposer pour conduire cette opération suicide. Il remarqua cependant qu’un plateau de bronze avait été déposé près de la porte, et contenait du pain et une carafe d’eau. En les voyant, le mercenaire s’aperçut qu’il était affamé et assoiffé. Se tenant au mur, il se mit debout et se dirigea lentement vers la nourriture tant convoitée. Il s’assit enfin contre la grille pour boire et manger. Il se rendit compte qu’il arrivait à peine à bouger son bras blessé, lequel avait cependant été bandé avec soin. Un froissement de tissu lui fit tourner la tête. La sorcière se tenait là, de l’autre côté des barreaux, et l’observait avec curiosité, vêtue d’une robe fine, légèrement transparente, brodée de fils d’argent. Elle portait une couronne similaire à celle qui la coiffait lorsque le mercenaire l’avait vue pour la première fois, mais celle-ci était surmontée en son centre d’un disque au lieu d’un croissant. La sorcière arborait sur la poitrine une pierre verte – sans doute une émeraude – d’une taille respectable. Son visage aux traits réguliers présentait une ressemblance évidente avec celui de Valadéa. De taille moyenne également, elle affichait une beauté à la fois semblable et différente, plus froide, plus mure. Aksaros rassembla ses forces pour se relever.

 

« Je vois que tu es vivant, dit-elle en s’approchant. Ton compagnon n’a pas eu cette chance, malgré mes efforts.

- Brégos est donc mort, murmura le Xèrien en baissant les yeux.

- Je suis désolée. »

Aksaros eut un sourire ironique.

« Désolée ? Il n’y a vraiment pas de quoi, fit-il remarquer. Nous avons essayé de te tuer…

- Ce que vous avez fait était très courageux. J’admire l’audace, même chez mes ennemis. »

Le Xèrien planta son regard dans les yeux bleus de son interlocutrice.

« Trêve de considération oiseuse, femme. Allons droit au but : pourquoi m’as-tu épargné, et quel sort me réserves-tu, que je sois fixé ?

- La réponse à ta première question me paraît évidente : parce que tu m’as épargnée quand tu pouvais me tuer. Il m’intéresserait beaucoup de savoir pourquoi. Quant à ta seconde question, j’avoue que je n’y ai pas encore réfléchi. »

Elle leva son poignet gauche, bandé comme le bras du Xèrien.

« La blessure que tu m’as infligée ne devrait pas m’inciter à la clémence, mais je réserve mon jugement. Réponds d’abord à mes questions. »

Tout cela était dit sur un ton courtois mais ferme. Le mercenaire soupira.

« Que veux-tu savoir ?

- Ton nom ?

- Aksaros de Xèria, mercenaire de son état.

- On ne voit guère de Xèriens dans les parages, dit la sorcière. Qu’est-ce qui t’a amené dans cette région reculée ?

- Une envie de solitude…

- Vraiment ? On se demande alors ce que tu faisais au milieu d’une armée venue assiéger ma citadelle…

- J’aurais dû me tenir à l’écart de cette guerre, je te le concède. Ta… Enfin la jeune femme qui se présente comme ta fille m’a fait miroiter un beau butin, et j’ai cédé à l’appât du gain. Je suis mercenaire. Chassez le naturel... »

La sorcière éclata de rire.

« Valadéa a toujours été douée pour embobiner les hommes, dit-elle. Oui, elle est ma fille, je pense que la ressemblance m’interdit de la renier. Qu’a-t-elle dit d’autre ?

- Que tu as assassiné son père…

- C’est une façon de voir les choses. »

 

Le Xèrien ne put cacher son étonnement.

« Comment ça ?

- Normalement, c’est moi qui pose les questions, mais comme tes réponses me semblent sincères, je vais te répondre. Oui, j’ai tué le père de Valadéa… mais je lui ai simplement fait subir ce qu’il s’apprêtait à m’infliger. Et je suppose que ma fille a omis de donner cette précision. Surprenant, n’est-ce pas ? »

Après quelques instants de silence, la sorcière reprit :

« Tu as utilisé de la magie nécromantique, une forme rare de sorcellerie. A ma connaissance, seuls les Ourgash de Thosq pratiquent cette discipline. As-tu étudié auprès d’eux ?

- Oui, j’étais au service des seigneurs-sorciers de Thosq, et ils m’ont fait l’honneur de m’initier à leur art.

- Quels sont tes liens avec la Confrérie de l’Orbe d’Onyx ?

- Je les combats depuis un moment déjà. J’ai fait échouer leurs manigances à Hyrdanos et j’ai tué l’un des leurs à Gadûnzor. Salantès l’Hyrdanien, un des primats de la Confrérie, a juré ma perte. Mais toi, es-tu en conflit avec ces mages ? Tu semblais penser qu’ils m’avaient envoyé pour t'éliminer.

- Je commence à y voir plus clair » dit la sorcière, en se parlant à elle-même.

Elle fit quelques pas.

« J’ai été autrefois une alliée de la Confrérie de l’Orbe d’Onyx, dit-elle, car mon compagnon, le père de Valadéa, comptait parmi ses membres influents. Mais j’ai refusé de leur livrer la citadelle de Varghon, et ils ont décidé de m’occire. Tu devines la suite.

- Mais… et Valadéa ?

- Valadéa appartient à la Confrérie, tout comme son père. Tu as servi sans le savoir tes pires ennemis, Aksaros de Xèria. Et il s’en est fallu de peu que tu réussisses là où la Confrérie a échoué ces dernières années… »

Le Xèrien était abasourdi par ces révélations.

« Manipulé comme un pantin… marmonna-t-il. Quelle humiliation ! »

Il serra rageusement un barreau de sa prison.

 

« Je dois te laisser, dit la sorcière. L’opération que tu as menée m’a montré que j’ai sous-estimé Shardour et Valadéa. Une telle tentative appelle des représailles. Je vais réfléchir à ce que tu m’as dit et je déciderai rapidement de ton sort, mon but n’est pas de te laisser moisir ici. En attendant, je veillerai à ce que tu ne manques de rien. As-tu une requête à formuler ?

- Je t’ai donné mon nom, mais je ne connais point le tien.

- Valadéa ne te l’a pas dit ? Quel manque de courtoisie! Je me nomme Krysélis, dame de Varghon.

- Dis-moi, est-ce la pleine lune ce soir ?

- Oui, pourquoi ?

- Parce que si tu décides de me tuer, fais-le avant ce soir. Sinon, ces grilles ne suffiront pas à me retenir… »

Krysélis éclata de rire.

« Tu es brave, mais tu te surestimes, Aksaros de Xèria. La grille de ce cachot est protégée par un enchantement qui bloquera toute tentative de ta part d’utiliser la magie. Et ne songe même pas à lancer un sort de téléportation pour te procurer la clé... ».

 

Chapitre VII



26/08/2021
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