Le Blog de Carloman

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LA CITADELLE DES BRUMES - Chapitre V

 

Le Xèrien fit signe aux autres soldats de le suivre. Ils étaient arrivés aux pieds des remparts de la forteresse, sans encombre. La partie délicate de l’opération allait commencer. La surveillance des remparts était cependant rendue difficile par l’absence de lumière, même pour des nains habitués à vivre dans les entrailles de la montagne. Brégos tendit au mercenaire le sac contenant les grappins, et ils en prirent chacun un. Brégos commençait à faire tournoyer le sien, lorsque le Xèrien lui fit signe d’arrêter. Aksaros se concentra afin de détecter une éventuelle présence sur le chemin de ronde. Sa lycanthropie avait considérablement aiguisé ses sens. Quand il fut certain que la voie était libre, il lança son grappin, et Brégos fit de même. Après s’être assuré des cordes, ils entamèrent leur ascension. Celle-ci fut pénible et leur parut interminable. Enfin, en sueur et le souffle coupé, ils prirent pied sur une courtine et aidèrent les autres à se hisser. Le groupe n’était pas encore au complet quand une patrouille de nains sortit de la tour la plus proche pour sa ronde réglementaire. Trois nains en tout, qui s’avançaient confiants, en bavardant. Ils ne se rendirent compte de rien : trois carreaux tirés avec une précision mortelle les réduisirent au silence éternel. Sans perdre un instant, les corps furent jetés par-dessus la muraille après avoir été dépouillés des armes et armures pour éviter le bruit du métal. Puis la petite troupe se dirigea silencieusement vers la tour la plus proche afin de descendre dans la cour. Mais arrivés au rez-de-chaussée de la tour, ils virent que de nombreux membres de la garnison se pressaient autour de grands feux. Aksaros et Brégos hésitèrent, puis décidèrent d’essayer de longer la muraille en comptant sur la brume et l’obscurité pour passer inaperçus. De toute façon, ils n’avaient pas le choix : une patrouille n’allait pas tarder à prendre le chemin de la tour. Les nains, pelotonnés dans des couvertures et occupés à honorer d’imposants tonneaux de bière, ne prêtèrent pas attention aux ombres qui se faufilaient le long des remparts. Le Xèrien atteignit le premier la porte. Il put constater que les lourds battants en bronze étaient doublés d’une herse en acier, et qu’une escouade de nains montait la garde entre les deux. Il allait falloir monter sur le rempart pour relever la herse, mais avant il était nécessaire d’éliminer les sept nains de garde qui ne manqueraient pas de donner l’alerte en voyant la herse se soulever.

 

Le mercenaire n’eut pas le loisir de pousser plus avant l’élaboration de son plan d’action : un cri retentit, les infiltrés étaient découverts ! Un nain qui s’était éloigné de son feu pour assouvir un besoin naturel avait aperçu un des hommes.

« Vite ! dit le Xèrien à Brégos qui venait de le rejoindre, il faut semer la panique parmi les nains. Ils ignorent combien nous sommes. Dis aux hommes de tirer à volonté. »

Les cordes des arbalètes chantèrent et plusieurs nains s’effondrèrent au milieu de leurs compagnons interloqués. Mais certains officiers comprirent rapidement la situation et mirent leurs soldats en phalange, bouclier contre bouclier, et la masse des nains commença à s’avancer vers les remparts. Le Xèrien remarqua que les sept nains de garde de l’autre côté de la herse, alertés à leur tour, s’emparaient de leurs armes et scrutaient la brume, essayant de deviner ce qui ce passait. La peur avait changé de camp. Les hommes qui étaient restés proches de la tour détalèrent, et grimpèrent l’escalier par où ils étaient descendus. Mais Aksaros, Brégos et les autres étaient trop loin. Les nains aussi avaient amené des arbalètes, et ils abattirent quelques hommes. Brégos fut blessé au bras, et le Xèrien évita un carreau de justesse, qui se brisa sur la muraille. A présent, les torches des nains éclairaient les infiltrés, et il était évident que ces derniers n’étaient pas nombreux. Alors la phalange se disloqua et les nains attaquèrent. En quelques minutes, plusieurs hommes furent tués, le corps tranché par les haches ou le crâne broyé par les marteaux de guerre. Brégos et trois de ses soldats se battaient avec l’énergie du désespoir. Le Xèrien, resté contre la muraille, ferma les yeux pour se concentrer et prononça une formule magique. Un souffle puissant éteignit la plupart des torches. Aksaros dégaina son épée à lame flamberge avant de rejoindre Bregos et ses compagnons.

« Filons, c’est notre seul chance ! leur souffla-t-il. Au chemin de ronde, vite ! Nous aviserons ensuite. »

 

Les cinq hommes coururent vers la tour la plus proche mais ils n’y parvinrent pas, car ils furent interceptés par des renforts conduits par un nain à la barbe rousse, vêtu d’une magnifique armure rehaussée d’or, coiffé d’un heaume brillant orné en son sommet d'un saphir. Il tenait une bardiche, grande hache d’armes dont le bas de la lame était fixé au manche afin de renforcer l’équilibre de celle-ci. Une arme identique à celle de Valdrim, pensa le Xèrien.

« Vous êtes faits, tonna le nain. Votre tentative était pleine d’astuce et de courage, mais vous avez échoué. Rendez-vous, et je vous donne ma parole que vous serez traités avec honneur. »

Pour toute réponse, les hommes se mirent en position de combat. Le nain hocha la tête.

« Alors, mourrez ! » lança-t-il d’une voix implacable.

Mais il n’eut pas le temps d’ordonner l’assaut.

« Que se passe-t-il donc, Throndil ? Quel est ce remue-ménage ? »

Une femme à la longue chevelure – celle qui venait de prononcer ces paroles – s’avança au milieu des torches. Elle portait une sorte de couronne d’argent aux formes exubérantes, surmontée en son milieu d’un croissant de lune, et se terminant de chaque côté par des lamelles recourbées comme un serpent prêt à mordre. Elle tenait un grand bâton dans sa main gauche.

« Des ennemis ont réussi à pénétrer la forteresse, Madame » dit le nain sur un ton empli de respect, en s’inclinant légèrement.

Le mercenaire profita de cette apparition inattendue pour agir. En un éclair, une de ses dagues surgit de son fourreau et, lancée d’une main sure, atteignit la sorcière au poignet. Hurlant de douleur, elle lâcha son bâton, devant les nains médusés. Leur chef, le dénommé Throndil, se précipita à son secours.

 

Le Xèrien choisit de jouer sa dernière carte. Joignant les mains, doigts écartés, puisant au tréfonds de son énergie vitale, il prononça d’une voix forte le sortilège pour invoquer les forces de l’au-delà. La roche vibra, trembla, se convulsa, puis se fractura. Sous les yeux horrifiés des nains et des hommes qui commencèrent à reculer, un amas anarchique d’os surgit de la montagne et s’assembla, jusqu’à prendre la forme d’une vouivre. Une vouivre-squelette, dont les yeux brillaient d’un éclat verdâtre ! Même les plus braves sentirent un frisson de peur leur parcourir l’échine. Brégos et ses compagnons n’étaient pas les moins étonnés.

« Tu… tu es donc un sorcier, toi aussi, Okzarès ! murmura l’officier.

- Fuis, fuis, tant que tu peux, lui répondit le mercenaire. Ne vous occupez pas de moi. Sauvez vos vies ! »

Les soldats filèrent sans demander leur reste, mais Brégos resta sur place, l’épée à la main.

« De la magie nécromantique ! » s’écria la sorcière, stupéfaite, qui serrait son poignet d’où s’échappait un flot de sang.

La vouivre-squelette attaqua les nains sans crier gare. Ceux-ci tirèrent une volée de carreaux qui n’eut aucun effet. Les nains reculèrent en bon ordre et en poussant des jurons. La créature était cependant plus impressionnante que réellement dangereuse, car elle ne crachait pas de feu et se déplaçait lentement.

« Les carreaux et les haches sont peu efficaces ! cria la sorcière. Utilisez vos marteaux de guerre pour broyer les os de cette maudite engeance ! »

Les nains, tout occupés à combattre le monstre, avaient laissé Throndil et la sorcière quelque peu isolés.

« Occupe-toi du nain, je me charge de la sorcière, dit le Xèrien à Brégos.

- Je te suis » dit l’officier.

 

Les deux hommes fondirent sur leurs ennemis. Throndil retrouva ses esprits à temps et para le coup de Brégos, mais il dut faire un écart qui laissa la sorcière sans protection. Celle-ci avait perdu une importante quantité de sang. Voyant le mercenaire presque sur elle, elle leva la main droite et tenta de prononcer un sort de protection, mais le Xèrien la projeta violemment à terre d’un vigoureux coup d’épaule. Il brandit son épée.

« Meurs, chienne ! hurla-t-il.

- C’est donc toi que la Confrérie de l’Orbe d’Onyx a envoyé pour me tuer... » dit la sorcière, d’un ton de défi plus que de peur.

La lame du mercenaire s’arrêta à quelques centimètres de la gorge blanche.

« Qu’est-ce que tu viens de dire ? » gronda le Xèrien.

Surprise, la sorcière leva les yeux et son regard croisa celui de son bourreau. Pendant ce temps, Throndil avait réussi à blesser grièvement Brégos, lui ouvrant la cuisse jusqu’à l’os. Le guerrier s’effondra, inconscient. Puis le nain, courageusement, attaqua le mercenaire. L’usage de la magie avait épuisé ce dernier. Son hésitation allait lui être fatale. Le nain était un redoutable combattant. Aksaros esquivait difficilement les coups de son adversaire et se montrait incapable de riposter. Il perdit l’équilibre et tomba à genoux. Frappant de toutes ses forces, Throndil brisa net l’épée du Xèrien, puis l’atteignit au bras, parvenant à glisser sa lame dans le défaut des protections en acier écarlate. Hurlant de douleur, le mercenaire tenta de se relever, mais le nain lui décocha un coup violent au visage avec l’extrémité du manche de sa bardiche. Le nez d’Aksaros se mit à saigner abondamment. Étourdi par le choc, le Xèrien bascula en arrière. Son corps ne répondait plus. Un voile tomba sur ses yeux et il perdit connaissance au milieu des clameurs victorieuses poussées par les nains.

 

Chapitre VI



26/08/2021
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