Le Blog de Carloman

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MALEDICTION - Chapitre III

 

Aksaros s'éveilla, la tête douloureuse, des crampes dans les bras et les jambes. Cette fois, sa main ne rencontra pas la rassurante poignée de son épée. Il se redressa péniblement, la tête lui tournait. S'étant relevé non sans peine, il constata qu'il était enfermé dans une petite pièce obscure, fermée par une lourde porte de bois. Le Xèrien s'approcha de la porte et chercha une poignée, mais il n'y en avait pas. Il repéra seulement le trou d'une serrure. Il poussa un juron en comprenant qu'on l'avait jeté au cachot après l'avoir assommé. Mais qui pouvait bien être ce « on » ? Le mercenaire s'assit dans un coin pour tenter de mettre au clair ses idées. Il se trouvait à l'évidence dans la montagne. S'agissait-il d'un ancien réseau de mines occupé à présent par un groupe animé d'intentions hostiles ? L'usage de la magie – téléporter un individu requiert une grande connaissance des arcanes – et la présence d'une créature comme la sphinge excluaient des brigands ordinaires. L'art sombre était à l’œuvre en ces lieux. Aksaros le savait, il avait toujours eu une sensibilité innée pour détecter l'aura que laissaient les énergies mystiques, et cette aptitude s'était encore accrue depuis son séjour chez les elfes de Thosq. Une pensée lui traversa l'esprit : peut-être ce lieu faisait-il partie du complexe de Gadûnzor. En ce cas, les occupants des ruines semblaient trop puissants pour être vaincus par deux mercenaires.

 

Tandis que les questions se bousculaient dans sa tête, Aksaros entendit qu'on introduisait une clé dans la serrure de la porte. Les gonds de cette dernière grincèrent et un flot de lumière pénétra dans la geôle, aveuglant momentanément le Xèrien qui se leva en se protégeant les yeux de son bras. Il distingua bientôt deux silhouettes, un homme et une femme. L'homme, assez jeune, vêtu d'une ample tunique bleu foncé dont l'extrémité des manches était brodée de fils d'or fin, présentait un visage émacié encadré d'une courte barbe brune, des yeux noirs perçants et un crâne rasé avec soin. Son pendentif, une pierre étrange, lançait des reflets de couleurs variées. Aksaros n'avait jamais vu cet homme mais il y avait quelque chose chez lui qui lui semblait familier. En revanche, le Xèrien reconnut la femme : Diranis, une guerrière de Vanji, à la beauté déroutante bien qu'elle ne fût plus de la première jeunesse, grande, athlétique, une lionne avec une abondante chevelure rousse en guise de crinière, des yeux verts d'un éclat troublant, un visage aux traits réguliers parsemé de tâches de rousseur. Elle avait été une associée d'Aksaros lorsqu'il était devenu mercenaire... Et il avait espéré qu'elle serait devenue un peu plus que cela, mais elle avait disparu au cours d'une escarmouche et le Xèrien l'avait cherchée en vain. Toutefois, compte tenu des circonstances, il se demanda s'il devait se réjouir des retrouvailles.

 

Diranis, qui tenait une torche, lui adressa pourtant un sourire, mais ce fut l'homme qui prit la parole :

« Alors, on vient fouiner, le mercenaire ? lança-t-il d'une voix méprisante. Qui t'envoie ? »

Aksaros garda le silence.

« Ça n'a aucune importance, poursuivit l'homme au crâne rasé. Ton destin est scellé. Tu n'aurais jamais dû défier la Confrérie de l'Orbe d'Onyx ! »

Il regarda le Xèrien mais celui-ci restait impassible et ne paraissait guère impressionné.

« Bon, reprit l'homme d'une voix plus posée, le nom de Salantès te dit quelque chose ?

- Salantès ? Comment va-t-il depuis notre dernière rencontre, lorsqu'un de mes carreaux l'a blessé au bras ? Il se terre quelque part pour échapper à la fureur des elfes de Thosq, je suppose, railla Aksaros. Oui, maintenant que tu le dis, je vois que tu portes les mêmes haillons et un pendentif identique. Je présume que tu fais partie de ce ramassis de mages à la noix...

- Tais-toi, impudent ! lança le membre de la Confrérie, hors de lui. Un mot de plus, et je te réduis en poussière, chien.

- Et qu'est-ce donc qui t'en empêche ? répliqua aussitôt le mercenaire. Serais-tu un second couteau ? On m'envoie les larbins ? Salantès n'ose pas venir me voir en personne ? Je l'ai connu moins timide. »

 

Le mage était stupéfait de l'arrogance et du mépris affichés par son interlocuteur. Il retrouva pourtant son calme, et esquissa même un sourire.

« Tes provocations ne t'apporteront rien, dit-il. Puisque tu vas mourir, tu as le droit de connaître la vérité. La Confrérie de l'Orbe d'Onyx réunit les plus grands mages de l'ouest d'Ikharra. La magie recèle un pouvoir colossal que les hommes délaissent depuis trop longtemps. Pire, le culte d'Ebrek, qui ne cesse de se répandre depuis l'imperium d'Ishor, proscrit l'étude des sciences occultes. Face à ce péril, les adeptes de l'art sombre ont décidé de s'unir et de prendre le pouvoir.

- Vous allez conquérir l'ouest d'Ikharra ? » demanda ironiquement Aksaros en haussant les sourcils.

Le mage éclata de rire.

« Conquérir ! Voilà bien un mot digne d'un reître, d'un tueur, d'une brute. Non, nous ne conquérons pas, homme de Xèria. Nous sommes plus subtils que cela. Nous tirons les ficelles dans l'ombre, nous étendons notre influence sur les dirigeants des cités de l'ouest, et au-delà, sans supplanter les institutions traditionnelles. Salantès, qui est un primat de notre ordre et qui a souhaité te tuer lui-même – rassure-toi, il ne te craint pas, il est en route – avait été envoyé à Hyrdanos, dont il est natif, dans ce but : assurer la défense de nos intérêts par l'intermédiaire du puissant conseiller Nasarius. Seulement le conseiller Gouriès a fait appel à tes services, et tu as réussi à tuer Nasarius pendant que Gouriès dressait le Conseil d'Hyrdanos contre nous. Et tu nous as de surcroît privés d'une pierre de pouvoir qui nous aurait été très utile. Le hasard qui t'a amené en ces lieux est heureux, puisque c'est ici, à Gadûnzor que tu vas recevoir le châtiment que tu mérites, exécuté par Salantès en personne. »

L'homme toisa Aksaros, qui soutint son regard sans faiblir, puis il se tourna vers Diranis.

« J'ai terminé pour ma part. Je te laisse quelques instants avec lui, puisque tu le connais, mais ne tarde pas trop. Il y a l'autre, le nain, à éliminer. »

Sur ces paroles, et sans jeter un regard au prisonnier, le mage quitta le cachot.

 

Chapitre IV



21/04/2021
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