Le Blog de Carloman

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LA CITADELLE DES BRUMES - Chapitre II

 

Pendant des jours, Aksaros marcha vers l’est, en direction des contreforts des Monts du Kaldéhon, sans croiser âme qui vive. La région restait sauvage, recouverte d'une forêt clairsemée. Ici ou là des villages en ruines envahis par la végétation, des vestiges d’installations minières noyés sous les taillis témoignaient de tentatives avortées de colonisation. Le Xèrien progressait avec difficulté dès que la forêt se faisait plus dense. La nuit, il dormait à la belle étoile, gardant sur lui son armure composée de plaques de bronze attachées les unes aux autres par des lanières de cuir, et de pièces forgées dans cet étrange alliage rouge-ocre – le fameux « acier écarlate de Xèria » – dont les forgerons xèriens gardaient jalousement le secret, qui lui couvraient les bras et les épaules. Caché par des buissons touffus, il se pelotonnait dans une épaisse fourrure d'ours des montagnes, un présent de Valdrim avant leur séparation. Le mercenaire se refusait à allumer un feu qui eût permis de le repérer. Mais il aperçut de grands brasiers sur certaines collines, preuve que la région n’était pas aussi déserte qu’elle paraissait. Qui les avait allumés ? Sans doute des faunes, bien que le Xèrien n’en eût pas encore aperçus. Les faunes n’aimaient guère les humains, et leur jouaient volontiers de mauvais tours en dérobant des outils, des armes ou du bétail, mais ceux des Confins se montraient rarement agressifs. Au fur et à mesure de sa progression, Aksaros commença à sentir le sol devenir plus pentu, plus rocailleux, la végétation se raréfiant. Puis, assez brutalement, le relief prit un aspect beaucoup plus escarpé. La pluie se mit à tomber sans discontinuer. Trempé, le Xèrien poursuivit péniblement son périple sous un ciel noir, au milieu des rochers aux silhouettes lugubres et grises. Aussi soudainement, le sol redevint quasiment plat. Aksaros avait atteint une sorte de plateau qui s’élevait en pente douce vers les sommets couronnés de neige, désormais bien visibles. Une forêt de conifères s’étendait à perte de vue, jusqu’à une altitude importante, semblait-il. Le Xèrien s’engagea entre les arbres.

 

Au bout de deux jours, alors qu’il cheminait en silence dans une nature presque figée, le vacarme d’une troupe de corbeaux, sur sa droite, attira son attention. La curiosité l’emporta sur la méfiance et Aksaros se dirigea vers l’endroit d’où venaient les croassements insistants. Débouchant bientôt dans une vaste clairière, il découvrit un spectacle aussi insolite que tragique : des hommes en armure gisaient au milieu d’armes éparpillées, souvent brisées. Des bannières déchirées voisinaient avec des carreaux aux empennages noirs. Le mercenaire coiffa son casque, lui aussi forgé en acier écarlate, ajusta un carreau sur son arbalète et se mit à parcourir lentement le macabre champ de bataille, en restant sur ses gardes. Vu l’état des corps, le Xèrien estima que le combat s’était déroulé moins d’une semaine auparavant. Il remarqua deux groupes de combattants clairement distincts : d’un côté, des nains aux armures faites de lamelles d’acier polies avec soin, équipés selon leur habitude de grandes haches et de lourds marteaux de guerre ; de l’autre des hommes – et, plus inhabituel, quelques femmes – portant des armures de bronze, des casques agrémentés de grands panaches colorés et de bois de divers cervidés – chevreuil, cerf des collines, daim des montagnes – et utilisant vraisemblablement des masses d’armes, des lances, des arbalètes, mais aussi des épées à lame flamberge ressemblant assez à celle d’Aksaros. Celui-ci fut particulièrement intrigué par de grands boucliers en bois, de forme trapézoïdale, aux coins arrondis, assez similaires dans leur forme à un modèle d’un usage courant à Xèria. Il nota également que ces boucliers étaient peints de motifs qu’il n’avait jamais vus mais qui lui paraissaient étrangement familiers. Quelques armes semblaient encore en bon état et, après un examen minutieux, le mercenaire décida de prendre une masse d'armes ainsi qu’un grand bouclier trapézoïdal. Il s'empara également d'un carquois plein de carreaux, afin de disposer de munitions supplémentaires.

 

Satisfait de son butin, le mercenaire s’apprêtait à repartir lorsque ses sens, que son nouvel état avait encore aiguisés, détectèrent un mouvement parmi les cadavres. Un corps avait bougé ! Aksaros s’approcha prudemment et trouva un homme, jeune, à l’armure étincelante, le flanc déchiré, respirant avec peine.

« Pitié, murmura le blessé, achève-moi, qui que tu sois... »

Puis il perdit connaissance. Le Xèrien se pencha et constata que l’homme vivait encore. La blessure, sans doute causée par une hache, était profonde. Néanmoins, le blessé affichait une vitalité exceptionnelle, car il avait manifestement survécu plusieurs jours. Aksaros sortit un onguent de plantes médicinales, qu’il avait toujours sur lui, et en appliqua sur la blessure. Puis, non sans peine, il hissa le blessé sur son dos, après l’avoir débarrassé de son casque et de son armure, et il tâcha de suivre les traces humaines qu'il repéra sur un sentier sinueux serpentant dans la forêt, en direction de la montagne. Au fur et à mesure de sa progression, le mercenaire dut affronter un terrain toujours plus escarpé et plus rocailleux. Les heures passant, le Xèrien avançait avec peine, la sueur lui couvrait le corps et il commençait à désespérer lorsqu’il aperçut enfin, au-dessus des cimes des sapins, un mince filet de fumée, indice probable de la présence d’une habitation ou d’un campement.

 

Chapitre III



23/08/2021
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