Le Blog de Carloman

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SIEGE - Chapitre III

 

Les défenseurs d'Hyrdanos, dévots de Saër aux surcots blancs et verts, spadassins d'Ebrek aux tabards jaunes frappés de l'aigle d'azur couronné de vermeil, guerrières de Vanji aux manteaux noirs constellés d'étoiles blanches mais aussi simples citoyens armés à la hâte, tous se massaient sur les remparts en cette fin d'après-midi pour observer, mi-apeurés, mi-fascinés, l'étrange spectacle qui se déroulait aux pieds des remparts. Du camp ennemi, installé à un demi-kilomètre des murailles, afin de rester hors de portée des balistes et des catapultes hyrdaniennes, venaient d'émerger quatre silhouettes qui s'avançaient d'un pas décidé vers la cité. Des armures de plates anthracite protégeaient leurs corps. Le vent soulevait leurs manteaux violet foncé marqués de symboles énigmatiques. Parvenus à mi-chemin de leur camp et des remparts, les quatre créatures s'arrêtèrent. Elles étaient trop loin pour que les Hyrdaniens pussent distinguer leurs traits. Après un bref conciliabule, les quatre elfes se mirent dos à dos, levèrent les mains et entamèrent leurs incantations. Compte tenu de la distance, les Hyrdaniens ne percevaient que quelques éclats de voix de temps à autre. Certains commencèrent à ricaner, puis les quolibets, les moqueries et les injures fusèrent à l'adresse des quatre sorciers. Un grondement formidable fit brusquement taire jusqu'aux plus téméraires. Un frisson de peur et d'incrédulité parcourut alors les rangs des défenseurs. La crainte se changea en frayeur, et la frayeur en horreur, lorsque les Hyrdaniens virent la terre se craqueler, se convulser, se déchirer enfin pour laisser surgir des squelettes aux os blanchis... mais des squelettes qui se tenaient debout, animés d'une volonté matérialisée par la lueur verdâtre, irréel, malfaisante, qui brûlait dans leurs orbites vides ! Les rumeurs sur les pouvoirs nécromantiques des elfes de Thosq étaient donc fondées.

 

Les quatre sorciers avaient appelé à leur service les guerriers tombés sur cette plaine au cours d'antiques batailles ou de récentes escarmouches. La plupart de ces squelettes exhibaient des épées émoussées, des lances brisées ou des haches ébréchées. Une brève parole prononcée par les sorciers elfes suffit pour mettre en branle ces cohortes de cauchemar. Au début, les guerriers squelettes trébuchaient, avançaient lentement, maladroitement, mais au fur et à mesure, ils gagnaient en adresse comme en célérité. La terreur envahit les remparts, et passé le silence de la consternation, ce fut un concert de hurlements et de lamentations. Les plus veules jetèrent leurs armes et se précipitèrent vers les escaliers pour disparaître dans les rues de la cité. Cet exemple provoqua la débandade d'une bonne partie des simples citoyens, pris à leur tour dans ce vent de panique. Mais au milieu du chaos, tous les Hyrdaniens n'avaient pas perdu leur sang-froid. Les dévots de Saër, les spadassins d'Ebrek et les guerrières de Vanji demeuraient à leur poste, impassibles et imperméables à l'effroi général. De même, Salantès et ses disciples ne paraissaient pas impressionnés outre-mesure par la troupe infernale qui approchait des remparts. Nasarius, revêtu de sa superbe armure d'acier poli et portant les insignes de grand-maître des dévots de Saër, se tenait à côté du mage.

« Que devons-nous faire ? souffla-t-il à Salantès.

- Rien.

- Comment ça, rien ? demanda le puissant conseiller qui n'en croyait pas ses oreilles.

- Dis-moi Nasarius, vois-tu des échelles parmi cet amas d'os ambulant ?

- Non, répondit l'homme à l'armure rutilante en embrassant du regard la foule des guerriers squelettes.

- Alors comment crois-tu qu'ils vont atteindre le sommet des murailles ? Penses-tu qu'ils vont détruire nos remparts avec leurs armes rouillées ? Les squelettes ne volent pas, ajouta le mage d'un ton moqueur.

- Tu as raison, Salantès, dit Nasarius avec un sourire de dédain. Mais pourquoi cette démonstration ? Est-ce là tout ce dont sont capables les puissants sorciers de Thosq ? »

 

Le mage jeta un regard courroucé à son ami.

« Ne sois pas stupide, Nasarius. Tu viens d'assister à un bel exemple de guerre psychologique. Nos ennemis testent nos nerfs. Mais, sans vouloir t'inquiéter, ce que nous venons de voir n'est qu'un faible aperçu du pouvoir colossal des seigneurs-sorciers de Thosq. Et puis, les squelettes ne sont pas totalement inutiles : ils vont continuer à rôder autour des remparts, entretenant une aura de peur parmi les défenseurs, et décourageant toute sortie. Dis à tes hommes et aux autres de ne pas gaspiller leurs flèches ou leurs carreaux, seules des pierres assez lourdes pour les écraser peuvent venir à bout des guerriers squelettes.

- N'as-tu aucun sort à disposition pour renvoyer ces abominations d'où elles viennent ?

- Le siège ne fait que commencer, répondit le mage visiblement agacé. Je ne vais pas gaspiller mes pouvoirs pour faire le spectacle. Réduire en cendres quelques dizaines de squelettes n'impressionnera sûrement pas les elfes. Bon, je vais me reposer. Fais doubler la garde pour cette nuit, et que des combattants aguerris encadrent les pleutres et les couards qui forment le gros de nos bataillons. Et si les squelettes se mettent à voler, viens me réveiller. »

 

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27/08/2020
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